L’Hypnose Ericksonienne, un outil de soin…

Il est important de comprendre qu’en hypnose c’est uniquement le sujet et son inconscient qui produisent toutes ces manifestations extraordinaires. Il ne s’agit pas d’un pouvoir ou d’une contrainte de l’hypnopraticien! La personne choisit et accepte de coopérer avec lui dans un but thérapeutique, ou avec l’hypnotiseur de spectacle dans un but ludique. 

C’est la raison pour laquelle toute suggestion contraire aux valeurs ou à l’éthique du sujet sera automatiquement rejetée par l’inconscient… et ne produira aucun effet.

Impossible donc d’obtenir un code de carte bleue, ou d’envoyer le sujet effectuer des actions malintentionnées sur commande.

Lorsqu’on évoque l’hypnose thérapeutique, que ce soit avec des professionnels de la santé mentale ou des profanes, on se heurte toujours aux mêmes représentations, parfois sulfureuses, empreintes de magie et de mystère. Pourtant, lorsque l’on se forme à l’utilisation de cet outil, on s’aperçoit que ses apports à la relation et au soin sont immenses.

L’objectif de cet article est donc de lever un coin du voile qui recouvre cette technique aux racines millénaires, et poser les bases d’une vision de ce qu’est l’hypnose Ericksonienne et son champ d’action. 

Peut-être cela vous permettra-t-il de rompre avec le passé magnétique bizarroïde de Mesmer 1, ou avec les spectacles à sensation de Mesmer 2?

Les professionnels du soin sont actuellement formés de manière scientifique. De ce fait, la science privilégie le support et l’étude des phénomènes conscients, laissant de côté tous les aspects plus étranges et moins codifiables de l’inconscient, ces mêmes mécanismes dont le thérapeute a l’intuition qu’ils existent mais qui se dérobent à son regard.

C’est un attrait indéniable pour le praticien que de se réfugier dans le confort de ses classifications, tests et examens, qui lui permettent d’évoluer dans un domaine connu, confortable, estampillé du sceau de la connaissance universitaire, tandis qu’il se coupe de la plus grande part de son patient, sa face cachée, son moi profond et véritable, sa réalité.. Nous sommes peu préparés à accueillir la dimension émotionnelle de nos patients, et pourtant c’est elle qui fait si mal…  

Si l’outil hypnotique n’est qu’un outil, c’est aussi un état d’esprit de partage des vécus entre le thérapeute et le patient, en rupture avec notre notre perception habituelle de l’approche thérapeutique. Ainsi, le praticien doit avoir une idée de la manière d’utiliser cet outil, une approche stratégique de l’utilisation de l’hypnose pour guider le patient vers son objectif.

Il est scientifiquement établi que l’hypnose correspond à un phénomène concret et réel, les phénomènes hypnotiques et leur efficacité ont été objectivés par les techniques d’imagerie moderne, ainsi que par les neurosciences.

Qu’est-ce que l’hypnose Ericksonienne?

C’est un état totalement naturel, que nous expérimentons spontanément plusieurs dizaines de fois par jour. Il s’agit de cette sensation d’être absorbé dans ses pensées, d’être « dans la lune »…

Elle ne résulte aucunement d’un don ou d’un pouvoir à l’instar de ce que peuvent prétendre les hypnotiseurs de spectacle. Les techniques de ceux-ci, très autoritaires, exercées sur des personnes soigneusement sélectionnées pour leur suggestibilité, n’obtiennent dans le domaine thérapeutique que des résultats symptomatiques médiocres et souvent peu durables.

L’état hypnotique s’appuie sur deux concepts simples:

  • le conscient (ce dont nous avons conscience)
  • l’inconscient (ce dont nous n’avons pas conscience)

Pour Erickson, l’inconscient constitue un énorme réservoir de ressources et d’apprentissages, se différenciant de la représentation freudienne habituelle de celui-ci. L’hypnose est un état de conscience modifié qui permet de modifier le rapport habituel conscient/inconscient. Il réduit le fonctionnement conscient, et augmente le fonctionnement inconscient, ce qui permettra au patient de réactiver et de réactualiser ses ressources pour traiter ses propres problématiques.

Il n’y a donc pas de suggestion de disparition du symptôme, comme il est coutume de le faire en hypnose classique, ce qui évitera son déplacement ou sa réapparition ailleurs, sous une autre forme. 

Cela initie un processus d’ouverture à d’autres solutions. 

L’hypnopraticien ericksonien sait reconnaître les signes que manifeste cet état de conscience modifié dans le corps, il accompagne le patient vers cet état, facilite sa survenue par des techniques adaptées, l’encourage.. Tout ceci pour l’utiliser à des fins thérapeutiques. Mais c’est le patient qui se met en hypnose, et non pas le thérapeute qui, le mettant en transe, exercerait un quelconque pouvoir ! C’est comme s’endormir, on peut bercer quelqu’un, lui raconter des histoires pour l’aider à sommeiller, mais pas décider à sa place qu’il dorme, ni même qu’il fasse un effort de volonté pour s’assoupir.

En pratique, le thérapeute fixe l’attention de son patient, puis, par l’utilisation de techniques relationnelles, dépotentialise l’activité de la conscience, tout en activant le fonctionnement inconscient du patient.

Pour atteindre cet objectif, le praticien propose diverses suggestions dans lesquelles le patient choisira de s’orienter. C’est pour cette raison que l’on qualifie cette façon de procéder de « permissive ». Ainsi, le thérapeute utilisera les ressources, les présupposés, « la carte du territoire » du patient, dans une vision stratégique du soin. Sa devise est « reconnaître, accepter, augmenter, utiliser ».

Utiliser les matériaux amenés par le patient permet d’économiser du temps, diminuer la résistance au changement (qui sera elle-même mise à profit et utilisée). Cela lui permet de se sentir vraiment accompagné. Les suggestions indirectes, évocations, implications, associations, métaphores constituent les outils rhétoriques de base, et même parfois des suggestions directes lorsque c’est utile ou nécessaire.

Chacun des deux participants fonctionne, au cours de l’entretien, à la fois sur le mode conscient et sur le mode inconscient, dans une proportion variable au cours de l’entretien. C’est ainsi une relation soignante à quatre qui se noue lors de cette interaction : conscient et inconscient du thérapeute qui entrent en résonance avec ceux du patient.

Ayant appris à reconnaître les signes de transes spontanées, le soignant formé à l’hypnose sera à même d’utiliser les moments favorables, même fortuits, pour accompagner son patient vers le mieux-être en mobilisant et réactivant ses ressources. Cette capacité à l’accompagnement est le fruit d’un long apprentissage en formation, d’un savoir être et savoir faire issus de son expérience clinique.

L’hypnose selon Milton Erickson

Selon Milton Erickson, l’état hypnotique est un état modifié de conscience naturel et banal. Le thérapeute sert de guide et de partenaire au patient pour l’aider à accéder à cet état qu’il connaît bien, lui permettre de l’approfondir et de l’utiliser dans l’intention thérapeutique et les objectifs convenus entre eux.

Les phénomènes hypnotiques

Lorsque le patient atteint un état de transe hypnotique, tout un ensemble de phénomènes particuliers sont à même d’être produits par son inconscient : on les appelle “phénomènes hypnotiques”, et le praticien peut les utiliser à des fins thérapeutiques.

Les phénomènes idéomoteurs

Ils constituent les mouvements involontaires dont l’origine est le plus souvent inconsciente, tels que salivation, déglutition, mouvements de tête, des doigts… En transe le patient peut s’exprimer verbalement, et le langage de son corps est un indicateur crucial pour le thérapeute, et lui permet de “s’accorder” au sujet. D’ailleurs les réponses données au cours de cette activité inconsciente peuvent être différentes de celles qui sont fournies à l’état conscient. L’écriture automatique est une  autre manifestation de ce phénomène.

Ce phénomène est fréquemment utilisé par l’hypnotiseur de spectacle, pour l’effet spectaculaire de ce corps “qui bouge tout seul” et paraît obéir à une volonté extérieure à celle du sujet.

En hypnose Ericksonienne, il constitue une ratification puissante de la réalité de la transe, ainsi que du travail inconscient. Par exemple, lorsque l’inconscient du patient produit un phénomène de lévitation de la main, c’est une métaphore puissante de légèreté, de cheminement vers un objectif et de changement, ou toute autre signification valable pour le patient. 

La catalepsie

C’est un phénomène caractéristique de la transe, un tonus musculaire particulièrement bien adapté, selon Erickson. Par exemple c’est cette forme de tonus musculaire qui participe au maintien de notre tête et de notre cou.

L’hypnotiste de spectacle l’utilise pour des démonstrations particulièrement spectaculaires; par exemple un corps confortablement suspendu entre deux chaises, l’une à la tête et l’autre aux pieds d’un sujet, des briques sont placées sur le ventre, puis on les casse avec un marteau (l’impact du coup étant absorbé par l’élasticité naturelle du corps obtenue dans cette position). Elle est aussi à l’origine de la sensation d’agréable pesanteur, parfois utilisée pour “sceller les paupières”ou pour “coller les pieds au sol”.

Le thérapeute Ericksonien l’utilise quant à lui pour obtenir des transes particulièrement profondes et stables, et pour la métaphore, par exemple de solidité, d’ancrage et d’enracinement qu’elle peut constituer. Elle peut aussi exprimer un figement.

La littéralité

L’inconscient entend les mots de manière littérale. Par exemple, à la question « Peux-tu me donner l’heure? », il répondra « oui ». Cette perception des mots implique des précautions de la part du thérapeute; il ne doit pas utiliser des mots à double sens qui pourraient être mal interprétés, ou au contraire, il peut décider d’ utiliser ce double sens sciemment.

La dissociation

Elle est expérimentée par la plupart d’entre nous dans des transes du quotidien. Qui ne s’est jamais retrouvé « absorbé » dans un bon livre, au point d’en oublier son environnement, de ne pas voir le temps passer.. S’être trouvé tellement « pris dans le film » qu’il se trouve emporté par les émotions ressenties au point d’en oublier le monde qui l’entoure? s’être étonné dans sa voiture, d’être “déjà arrivé là!”, sans avoir parfois gardé le souvenir conscient de la route parcourue? Pendant cette expérience, nous gardons un minimum de fonctionnement conscient afin de pouvoir parer à une urgence dans le réel, mais l’essentiel de notre activité psychique est ailleurs. C’est la dissociation. 

C’est le même mécanisme à l’œuvre dans certaines transes hypnotiques. Notre patient est dissocié du contexte: les bruits extérieurs, ceux de la rue, s’effacent, le laissent indifférent. Seule subsiste la relation au praticien. 

Cette dissociation peut être utilisée pour réduire un vécu douloureux lors d’une intervention, par exemple sur une main, en dissociant cette main du reste du corps, ou bien en dissociant la conscience du reste du corps.

Le praticien l’utilise pour travailler les séquelles d’un traumatisme : en exposant le sujet à une image issue du trauma et lui permettre de vivre cette exposition sans que cela ne résonne émotionnellement. C’est pour lui un apprentissage d’une nouvelle réponse au stimulus traumatique ou phobogène qui lui permet de s’y désensibiliser. 

L’hypnopraticien encourage le développement naturel de ce phénomène par l’emploi d’une rhétorique adaptée et particulière. C’est la raison pour laquelle une séance d’hypnose se finit toujours par une phase de “retour”, phase de réassociation pendant laquelle l’hypnopraticien facilite l’inversion naturelle du processus pour permettre au sujet de retrouver un fonctionnement habituel et confortable.

La perception du temps

C’est un des phénomènes le plus facilement perceptible par le profane, car il se manifeste volontiers dans les transes naturelles du quotidien. Son utilisation thérapeutique est très créative : c’est ainsi qu’on diminue la durée subjective des douleurs aiguës, qu’on augmente le temps de répit ressenti entre deux crises, et par là-même que l’on permet de rendre la douleur beaucoup plus supportable globalement. Cela peut être utilisé aussi pour permettre de donner le temps à l’inconscient de faire beaucoup de travail rapidement, simplement en ralentissant l’écoulement subjectif du temps.

Le langage figuratif

Lors de la transe, l’hypnopraticien peut utiliser délibérément un langage figuratif dont l’effet est d’attirer l’attention de l’inconscient. Ainsi, il permet de modifier la « carte du monde » du patient, de sa réalité et de ses représentations en effectuant des “recadrages”. Les outils de prédilection sont la métaphore et les anecdotes, qui parlent à l’inconscient dans son propre langage. L’hypnopraticien se sert également du saupoudrage et d’une communication à différents niveaux, qui passent avec aisance la barrière consciente.

La pseudo-orientation dans le temps

Elle permet au patient de se projeter dans le futur, dans un futur débarrassé des conséquences de son problème, outillé de ce que l’on appelle “l’expérience émotionnelle correctrice”. Cette dernière va lui permettre de faire l’apprentissage concret (dans son vécu corporel et dans toutes les autres dimensions) de ce qu’est sa vie sans son problème. Cette projection a une valeur auto-prophétique, et naturellement le cerveau va avoir tendance à la réaliser.

La mémoire (amnésie, hypermnésie)

C’est souvent le phénomène le plus associé à l’inconscient dans le sens commun. On sait que l’inconscient mémorise, archive, classe les informations perçues par les 5 sens. Il mémorise aussi les émotions, les sentiments, les ressentis corporels. À l’instar du stockage des données d’un ordinateur, c’est un peu notre disque dur. Si on accède aux données de l’ordinateur facilement, pour l’inconscient, il faut utiliser des techniques appropriées. En comparaison, la mémoire consciente a la capacité limitée d’une disquette, même si en contrepartie elle est accessible immédiatement. 

C’est sur la mémoire inconsciente que le praticien pourra travailler d’anciens traumatismes, induire l’amnésie d’une partie ou de la totalité de la séance. 

La douleur étant constituée du souvenir des douleurs passées, de l’appréhension des douleurs futures, en utilisant le phénomène d’amnésie, le thérapeute peut aider le patient douloureux chronique à augmenter son confort.

D’autres manifestations des phénomènes liés à la mémoire sont les suggestions post-hypnotiques, suggestions données pendant la transe mais destinées à s’accomplir plus tard. 

L’hypnotiste de spectacle utilise ce phénomène pour amener le spectateur à oublier son propre nom, une lettre de l’alphabet, ou un chiffre entre 0 et 9…

Perceptions sensorielles

Lors de la transe, le cerveau peut créer des perceptions sans objet, pour chacun des cinq sens, dites « hallucinations positives ». 

Ce mécanisme permettra par exemple à quelqu’un qui n’a pas fait le deuil d’un proche, de le voir, et accompagné du thérapeute, de réinterpréter sa disparition afin d’en tirer d’autres conclusions. 

Certaines techniques pour traiter des problématiques somatiques sont issues de ce mécanisme (remplacer une douleur par un prurit par exemple, en amenant le cerveau à réinterpréter le stimulus).

Une hallucination négative peut aussi être produite et utilisée. Elle conduit à la non perception de stimuli pourtant réels. C’est le cas pour l’hypno anesthésie qui permet d’annuler la perception d’une douleur, ou de traiter n’importe quelle sensation douloureuse ou désagréable.

C’est avec ce phénomène hypnotique que l’hypnotiseur de spectacle amènera le spectateur à goûter un oignon en lui trouvant un goût de pomme (hallucination gustative positive), ou à se rendre invisible à ses yeux (hallucination visuelle négative)…

En conclusion…

Cet état modifié de conscience est source de réparation, par sa propension à permettre au patient de dépasser certains schémas, d’accéder à sa potentialité créative en reliant et en créant des ponts entre les différentes expériences utiles aux objectifs thérapeutiques. Elle ouvre des possibilités nouvelles, des scénarios alternatifs pouvant s’accorder aux différents aspects de la vie du patient, comme en  travaillant à l’activation de compétences diverses susceptibles de renforcer sa confiance dans les possibilités de changement; cela permet au patient de vivre des expériences émotionnelles correctrices qui pourront lui servir de nouveau cadre de référence à sa compréhension du monde.

Elle est particulièrement efficace dans le traitement de la dépression, des traumatismes, des addictions, des troubles anxieux (phobies, TOC, attaques de panique, hypocondrie), des troubles du comportement alimentaire, des douleurs aigües chroniques et psychosomatiques… 

L’état hypnotique, en facilitant l’alliance thérapeutique, permet une augmentation importante du niveau de sécurité interne du sujet, un amortissement émotionnel accru et, en conséquence, un accroissement de ses capacités d’autonomie. Cela se traduit par une diminution de la résistance au changement, par une meilleure ouverture à soi et par une amplification des capacités de réorganisation psychique.

L’hypnose ericksonienne permet au soignant de repérer les transes de la vie quotidienne et de les utiliser, par exemple en hypnose conversationnelle. Elle donne les outils rhétoriques nécessaires à l’utilisation de ces transes, facilitant l’émergence des propres ressources du patient.

Elle permet de stimuler la créativité du patient dans la recherche de solutions à ses problèmes, lui permet de les résoudre, elle le rend autonome, lui apprend à apprendre (autohypnose).

Elle permet de remettre en mouvement ce qui est figé et pathologique, de soulager, accompagner, soutenir efficacement, et de mobiliser les ressources du corps ainsi que les processus naturels de guérison.

Enfin, l’hypnose ericksonienne est un outil de choix pour établir une relation authentique entre le patient et le soignant qui l’accompagne, en favorisant l’accordage des deux protagonistes, et en instaurant un espace psychique sécure partagé où la rencontre est possible et génératrice de changements.

Pour une présentation plus poussée de l’hypnose, vous pouvez vous rendre sur le site hypnosos.fr, où vous trouverez de nombreux exemples de thérapie, des vidéos, des livres, etc…